Organiser une projection-débat
Organiser une projection-débat autour d’un sujet qui vous tient à cœur peut permettre de sensibiliser un large public de manière moins formelle qu’une conférence. En effet, le recours à un support audiovisuel peut permettre un traitement du sujet moins solennelle qu’une conférence scientifique. De plus, la partie débat peut être très enrichissante en permettant une discussion qui serait plus horizontale. On vous donne ici quelques pistes pour organiser une projection-débat.
Déterminer les contours de la projection
DÉFINIR LE FORMAT
Tout d’abord, il vous faudra choisir le thème que vous souhaitez explorer lors de votre projection-débat. Qu’avez-vous envie de défendre ?
Deux possibilités : est-ce que c’est projection aura lieu qu’une fois ou bien souhaitez-vous organiser tout un cycle de projections ?
Si vous décidez qu’il n’y aura qu’une seule projection, il vous suffit de décider du film (ou des court-métrages) à projeter.
Si vous optez pour le cycle, il faudra tenter de réfléchir aux questions suivantes : en quoi est-ce distinctif par rapport à tout ce qui se fait déjà en termes de cycles de projection ? Thème traité, forme du film, éléments qui entoureront la projection : une fois que vous aurez trouvé votre fil rouge, ces aspects se déclineront naturellement.
L’association « Les yeux dans le monde », à Paris organise des cycles de projections. Par exemple, elle a choisi des critères de sélection précis pour ses projections mensuelles « Cinéscales ». En effet, elle propose des documentaires de création relativement atypiques sur la forme, et soulevant des questions sociales ou politiques sur le fond.
Sur cette base, un cycle cohérent de projections peut être construit. Vous pourrez, par exemple, envisager un cycle autour des questions d’exil et de migration (exprimer par l’image l’attente, la clandestinité, le déplacement…), voire même proposer des thèmes assez accrocheurs : une série autour du goût, de la cuisine et des épices permet par exemple de faire voyager le⋅la spectateur⋅rice.
DÉFINIR LE PUBLIC
Vous gagnerez aussi à identifier les publics auxquels vous avez envie de vous adresser : un quartier ? Des enfants ? Des étudiant⋅e⋅s ? Plusieurs générations ? Des populations différentes ? Dès lors, vous pourrez mieux cibler le lieu et la forme de votre projection ainsi que le contenu. En effet, certains contenus sont plus ou moins accessibles à tel ou tel public.
CHOISIR LE FILM
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Projeter son propre film
Lors de votre projection, rien ne vous interdit de projeter votre œuvre. Vous pourrez organiser une projection sur le thème qui vous tient ainsi à coeur.
Par la suite, si votre projection a eu des retours intéressants vous pouvez aussi décider de la diffuser sur Internet pour que le plus grande nombre y accède et que le public la revoit éventuellement. Pour permettre la diffusion de votre vidéo dans les meilleurs conditions, vous pouvez choisir de la mettre sous une licence qui le permet. Les licences créatives commons permettent par exemple de choisir précisément ce qui est autorisé ou pas avec votre vidéo. Ainsi pour éviter une utilisation commerciale de votre vidéo vous pouvez la déclarer sous licence CC BY-NC. Vous pouvez aussi choisir une licence plus libre comme la CC BY-SA. Pour en savoir plus sur les licences libres, la fiche “utiliser du contenu sous licence libre” pourra vous aider.
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Projeter le film d’une tierce personne
Si au contraire, vous souhaitez projeter les oeuvres d’autrui, cela est tout aussi bien évidemment possible. Vous pouvez diffuser des classiques, comme des films plus indépendants, méconnus ou polémiques pour aborder votre thème : toute invitation à sortir des classiques pourra faire venir des personnes qui peuvent en avoir marre de voir et revoir les mêmes choses. Cela permettra également de faire émerger des débats nouveaux et non sclérosés.
La maison du documentaire de Lussas en Ardèche, temple du genre, regorge par exemple d’œuvres très peu diffusées et qui valent le détour. En leur passant un coup de fil, vous pouvez même souvent obtenir les droits de diffusion.
De manière générale, lorsque vous repérez un film qui vous intéresse, prenez le réflexe d’écrire à celui⋅celle qui l’a produit pour lui signifier votre envie de le projeter.
Plusieurs cas sont possibles ici :
- le⋅la réalisateur⋅rice est totalement indépendant⋅e et donc aussi productrice. vous pouvez trouver un arrangement à l’amiable avec le⋅la réalisateur⋅rice, voire obtenir une cession de droits à titre gracieux.
- le film a été produit par une société de production. Dans ce cas-là, il vous faudra négocier probablement un peu plus difficilement le prix.
- le film a été réalisé et produit par des associatif⋅ve⋅s. Dans ce cas, il fortement conseillé de formaliser le partenariat que vous établirez avec ledit⋅ladite réalisateur⋅rice, par exemple par le biais d’un contrat écrit stipulant les conditions dans lesquelles vous aurez la possibilité d’exploiter son support vidéo. Vous pourrez éventuellement plus facilement négociez les prix.
En résumé, contacter le⋅la réalisateur⋅ce ou le cas échéant, le⋅la prodcuteur⋅rice-distributeur⋅rice du film pour connaître le montant des droits dont vous devrez vous acquitter. Et oui, dans bien des cas, projeter une production filmographique n’est pas gratuit : au-delà de l’achat éventuel de la copie, vous devrez rémunérer l’auteur⋅rice de l’oeuvre pour sa diffusion en public. Comptez généralement de 100 à 200€ pour un film récent et/ou connu.
PAYER LES DROITS
Par conséquent, il est important de budgeter chaque séance à l’avance, le cas échéant, le défraiement et le transport du⋅de la réalisateur⋅rice venu⋅e assister au débat.
Organiser le débat
L’intérêt d’une projection-débat est de faire suivre la projection d’un débat invitant les spectateur⋅rice⋅s à discuter de ce qu’il⋅elle⋅s ont vu et en lien avec votre thème, en présence ou non d’une personne de l’équipe de réalisation.
AUTOUR DE VOTRE FILM
Si ce film est le vôtre, ou que vous vous sentez la capacité de répondre aux questions du public, ce débat peut prendre la forme d’une discussion entre participant⋅e⋅s autour d’un thème donné ou simplement en réaction au film. Si vous considérez que les échanges méritent les lumières d’expert⋅e⋅s ou de parties prenantes, il vous faudra alors prendre contact avec les interlocuteur⋅rice⋅s pertinent⋅e⋅s et leur présenter votre démarche.
AUTOUR DU FILM D’AUTRUI
Si le film n’est pas le vôtre, essayez d’inviter des membres de l’équipe du film : le⋅la réalisateur⋅rice, le⋅la scénariste, des comédien⋅ne⋅s, etc, pour apporter leur point de vue ou des détails sur la réalisation. Toutefois, cela n’est bien entendu pas un obligation.
Si vous faites ce choix, ayez en tête que ce temps de rencontre demande une certaine préparation pour que tout se passe bien le jour J. Visionner le film et bien en saisir le propos, rencontrer le⋅la réalisateur⋅rice et lui poser une série de questions vous permettront de rebondir lors de la projection.
Dans les deux cas, le choix du film, comme celui des intervenant⋅e⋅s, est déterminant. Ils peuvent soit créer un moment convivial qui dure, ou alors à l’inverse raccourcir l’évènement par manque d’intérêt…
QUELQUES EXEMPLES DE DÉBATS |
L’association CAELIF (Collectif des Associations Étudiantes LGBT d’Ile-de-France) a par exemple choisi de réunir un prêtre, un rabin, un imam, et un militant d’Act-up pour aborder la prévention des risques face au Sida. Secousses (constructives, bien sûr) garanties ! Variante environnementale : lors de la semaine du développement durable, des organisateurs ont fait suivre la projection par une joute entre représentants d’entreprises et membres d’associations d’environnement. L’association Energie Citoyenne à Perpignan appâte quant à elle son public par le classique « on vous ment » et l’invite à découvrir des documentaires choc sur la prison, les OGM, ou encore les nanotechnologies. Le film « Homo toxicus », consacré à toutes les pollutions que notre organisme ingère à notre insu, a ainsi marqué leur auditoire. Elle a par ailleurs organisé un match entre pro-nucléaires et antinucléaires, les idées de chaque camps étant examinées les unes après les autres. Une invitation à mieux se documenter et à exercer son libre arbitre. |
Trouver la salle
Quasi toute salle disposant de chaises et de murs peut faire l’affaire pour une projection-débat. Quasi car, juridiquement, puisque c’est une projection à titre privé et non commercial que vous organisez, il faudrait que la projection ait lieu dans les locaux de votre association. Mais par extension, votre établissement et autres salles gratuites (cafés avec salle annexe à l’étage ou à la cave par exemple) peuvent convenir.
Certains détails ont par ailleurs leur importance.
LES ÉLÉMENTS AUXQUELS ÊTRE ATTENTIF⋅VE⋅S
Tout d’abord, la salle vous permettra-t-elle de disposer d’une obscurité totale ? Si ce n’est pas le cas, oubliez tout de suite, la projection ne sera pas agréable pour votre public.
Songez ensuite aux prises électriques : ça n’a l’air de rien comme ça, mais ce sont elles qui vont décider de l’emplacement du vidéoprojecteur, des enceintes…, il faudra éviter les risques d’incendie.
Assurez-vous ensuite que tou⋅te⋅s les spectateur⋅rice⋅s pourront bien voir l’écran et entendre les dialogues où qu’il⋅elle⋅s se trouvent dans la salle. Lancer une projection dans de mauvaises conditions ne rendrait pas hommage au film, et le⋅la réalisateur⋅rice éventuellement invité⋅e risquerait d’être déçu⋅e.
Attention, régler tous ces détails en amont ne vous dispense pas de venir faire tous les réglages et vérifications utiles le jour J. Comptez trois heures d’installation si c’est vous qui apportez tout le matériel, et pensez à vous munir de votre boîte à outils et de votre esprit bricoleur pour éventuellement fignoler des suspensions de plafond pour l’écran.
Dans tous les cas, veillez à ce que le⋅la réalisateur⋅rice soit présent⋅e avec vous lors des essais et du réglage du projecteur : ce⋅tte dernier⋅ère sait ce qu’il veut, est habitué⋅e à ces réglages et saura vous guider.
À QUI DEMANDER ?
Pour trouver la perle rare, commencez par contacter l’administration de votre école ou université. La plupart des amphis sont en effet conçus pour des projections et constituent donc des lieux parfaits pour accueillir de tels événements.
Si cela ne donne rien, vous pouvez tenter le coup du côté, des mairies, et des structures travaillant sur vos thématiques. Si vous vous apercevez que vous ne disposez pas du matériel nécessaire pour diffuser votre film dans ces salles, n’hésitez pas à demander leur aide au ciné-club de votre établissement ou aux autres associations habituées à organiser des projections.
S’ASSURER
En France, il est obligatoire de souscrire une assurance « responsabilité civile » couvrant les dégâts matériels occasionnés à la salle et les dommages causés aux personnes. Pensez à faire les démarches nécessaires au plus vite : l’attestation peut en effet être une condition sine qua non pour louer une salle ou du matériel. Si le matériel que vous utilisez pour votre projection vous appartient et qu’il a de la valeur, vous avez intérêt également à vous couvrir en cas de vol ou de détérioration. Pour en savoir plus sur les assurances, consultez la fiche suivante.
Faire la promotion
Objectif : éviter que votre salle ne soit aussi vide qu’un cinéma d’art et d’essai un après-midi d’été.
Il est important que votre communication soit claire sur la « ligne éditoriale » du cycle de projections. Avoir des rendez-vous réguliers et bien identifiés (même lieu, même heure, un vendredi par mois par exemple avec pot d’accueil à 19 heures, film à 20 heures puis débat) vous permettra de fidéliser votre public sur le moyen terme.
Vous pouvez éditer des affiches et tracts dès que vous connaissez la date et le lieu de la ou des projections mais de manière mesurée pour un affichage efficace afin de limiter votre empreinte écologique. D’autant plus, qu’en termes de communication, le plus efficace reste le bouche-à-oreille ! Le campus de votre établissement constitue un excellent terrain de recrutement. Mais pas seulement : demandez aux associations qui travaillent sur votre sujet de prédilection, aux clubs et associations de cinéma d’annoncer votre projection.
Sinon, vous pouvez aussi utiliser les radio-campus, agendas culturels sur le net… Vous pouvez également tenter de faire relayer l’information dans les médias locaux en communiquant sur le fait que le⋅la réalisateur⋅rice sera présent⋅e.
Pour en savoir plus, consultez la fiche “Communiquer sur son événement auprès des médias et du public”.
Trouver des partenaires
Même si votre salle est gratuite et que les supports proposés coûtent très peu cher, un tel événement pourrait néanmoins vous demander quelques dépenses : impression de documents de communication, éventuel buffet, frais de montage ou de matériel, déclaration, assurance, frais de défraiement des intervenant⋅e⋅s.
Les petites projections sont parfois difficiles à financer par des structures types mairie : comptez alors sur les aides universitaires et les services étudiants.
Vous pouvez également demander des avantages en nature. Demandez à la structure qui vous accueille si elle accepte de prendre en charge le buffet (solidaire) qui suivra la projection et sollicitez également les associations travaillant sur vos sujets.
Les magasins spécialisés seront peut-être d’accord pour vous prêter du matériel de projection si vous leur expliquez votre démarche et proposez d’apposer leur logo sur vos documents de communication.
Un seul bémol à cette recherche effrénée de financements : la réglementation sur l’exploitation commerciale des œuvres visuelles est complexe et stricte. Si votre entrée est payante, cela doit servir à financer vos frais mais en aucun cas à faire un bénéfice. Sinon, c’est une diffusion commerciale et vous devrez entre autres acquérir le DVD au prix fort.
ÉNERGIE CITOYENNE |
L’association Énergie Citoyenne en France propose autour de ses projections un buffet bio végétarien avec prix libre de la nourriture ! Une manière militante et intéressante d’inviter l’auditoire à un rapport moins « consommateur » de l’événement. Par ailleurs, théâtre de rue, jeux interactifs, balade du dimanche en montagne avec une conteuse, campagne de nettoyage de la fac ou encore peinture sur route font partie des nombreux à côtés que l’association propose autour de ses projections de films de défense de l’environnement. Si ça peut vous donner des idées… ! |
Après la projection-débat
Votre première séance de projection-débat s’est achevée. Que pouvez-vous faire ensuite ?
5 MINUTES APRÈS
Ne laissez pas vos spectateur⋅rice⋅s s’évaporer dans la nature. Un temps informel, autour d’un buffet solidaire par exemple, peut être un bon moyen de recueillir leurs impressions, leurs commentaires… Et de vous en inspirer pour organiser de nouvelles projections. Faire d’un tel événement un moment de détente autant que de réflexion pourra, de plus, vous permettre de capter un public qui sera ravi de revenir pour d’autres projections.
UNE SEMAINE APRÈS
Réaliser un compte-rendu écrit, filmé ou audio peut être un bon moyen de garder une trace de votre événement. Cela vous permettra non seulement de le valoriser dans le prochain dossier de présentation de votre association mais également de communiquer a posteriori sur la projection. Et ce notamment auprès des médias, des associations partenaires et d’éventuel⋅le⋅s financeur⋅se⋅s qui, si l’événement a eu du succès, pourraient bien être tenté⋅e⋅s de vous donner quelques subventions pour le suivant.
UN MOIS APRÈS
Votre film a eu du succès et a permis de sensibiliser un large public ? Il serait dommage qu’il finisse sa vie dans un carton. Faites savoir que votre œuvre existe et proposez à d’autres associations de l’utiliser pour des projections. Veillez cependant à établir, avec les associations qui vous l’emprunteront, une convention de partenariat afin de définir les conditions d’exploitation de votre film. Pour en savoir plus sur les conventions de partenariat, consultez la fiche pratique suivante.
Vous savez tout sur comment organiser une projection-débat. C’est maintenant à vous de jouer !
TROIS MOIS APRÈS
De très nombreux concours, appels à projets et un certain nombre de structures récompensent et financent des courts-métrages et documentaires sur des sujets d’intérêt général. N’hésitez pas à vous renseigner, dès la rentrée, auprès du Centre National du Cinéma et de l‘image animée (CNC). Tout travail vaut bien reconnaissance.