Limiter l’impact écologique du numérique
Le numérique représente aujourd’hui 4 % des gaz à effets de serre émis chaque année. Il impacte lui aussi l’environnement : de la fabrication des appareils électroniques à la gestion des données par les data centers en passant par les infrastructures réseaux (antennes 4G, wifi). C’est pourquoi, même si organiser des évènements éco-responsables est un premier pas important, vous pouvez aussi penser à sensibiliser à l’impact écologique du numérique auprès de vos publics mais également au sein même de votre association. En partenariat avec le REFEDD, nous vous proposons cette fiche pratique afin de vous permettre d’utiliser efficacement le numérique dans votre association, tout en limitant son impact sur la planète.
Le numérique plus écologique que le papier ?
Est-ce que l’impact écologique du numérique est vraiment plus important que celui produit par le papier ?
Déforestation, encres, transports,… On dénonce souvent le papier et les impressions comme peu écologiques. Par conséquent, on se tourne vite vers les supports « dématérialisés » du numérique. Mais, quand on se penche un peu sur le sujet, tout n’est pas si évident.
En effet, un document papier, de par sa production et son transport (qui nécessitent bois, eau, pétrole, tonner, etc…), est, a priori, moins écologique que ce même document en version numérique.
Pourtant, si on a besoin de conserver, de stocker ce document sur le long terme, la tendance s’inverse : le stockage d’un document papier ne représente aucune empreinte écologique, alors que le stockage numérique, parce qu’il nécessite des serveurs, des data centers…, a une empreinte écologique plutôt élevée.
Le numérique n’est donc pas forcément plus écologique que le papier. Pour connaître leur véritable impact il faut regarder en fonction de notre utilisation de ces outils et de leur cycle de vie. C’est pourquoi il est important d’adopter de bonnes pratiques au quotidien, pour réduire l’impact écologique du numérique.
L’Analyse du Cycle de Vie ACV) |
L’analyse du cycle de vie (ACV) des outils utilisés correspond au cycle allant de la production à la fin de vie en passant par le transport, la distribution, et l’utilisation. Si on détaille l’exemple du procès verbal (PV) d’Assemblée Générale : la production et le transport d’un PV papier sont moins écologiques que dans le cas d’un PV numérique, parce qu’ils utilisent des quantités non négligeables d’arbres, d’eau, de pétrole, de tonner, etc…Néanmoins, si on considère l’utilisation qui est faite de ce document, qui doit être conservé par l’association, est-ce que le support papier ne devient pas plus écologique ? En effet, son stockage sur le long terme ne représente aucune émission de CO2, contrairement à sa version électronique. |
S'équiper plus responsable
La plupart des associations utilisent des ordinateurs pour travailler sur leurs projets. Si vous êtes une petite association, il est probable que chaque membre et bénévole utilise son propre matériel. Mais si votre association se développe et notamment si elle accueille ou des salarié∙e∙s, des stagiaires ou des volontaires en service civique, il serait mieux de vous équiper en ordinateurs professionnels.
Cependant, il n’est pas toujours évident de se repérer dans la jungle des produits informatiques et de faire coïncider efficacité du matériel, limitation budgétaire et écologie. Pour vous accompagner, voici quelques éléments à avoir en tête pour choisir du matériel plus écologique.
Première chose à savoir : tous les équipements n’ont pas le même impact environnemental et certains fabricant∙e∙s sont plus attentif∙ve∙s que d’autres à ces questions.
Alors que faut-il prendre en compte lors qu’on choisit son matériel informatique ? Plusieurs possibilités :
ACHETER NEUF
- La consommation électrique : quand il est allumé, votre appareil consomme de l’électricité (même en veille). Heureusement certains modèles ne consomment pas trop d’énergie. L’information est de plus en plus communiquée par les entreprises fabricantes. Elles indiquent la consommation moyenne en marche comme en veille.
- Le processus de fabrication : même si la plupart des composants électroniques sont assemblés en Chine ou dans d’autres pays d’Asie, certaines entreprises fabricantes font maintenant l’effort de ne plus utiliser des produits toxiques comme le PVC ou des phtalates qui sont dangereux pour les ouvriers et pour l’environnement. Vous pouvez essayer de regarder la composition des appareils pour vous orienter.
- La réparabilité : veiller à la réparabilité des appareils c’est s’assurer de pouvoir remplacer et/ou trouver des pièces détachées qui permettront de ne pas avoir à racheter un nouvel appareil dès la première panne. Cela limitera grandement l’impact de votre appareil. C’est quelque chose qui peut s’avérer vraiment décisif maintenant que l’obsolescence programmée des appareils est de plus en plus rapide.
- La recyclabilité : les composants électroniques contenus dans nos appareils contiennent de nombreux métaux comme le cuivre ou l’argent qui peuvent être recyclés pour créer de nouveaux produits. Certains appareils sont d’ailleurs conçus pour qu’on puisse facilement séparer ses composants.
Comment se renseigner sur la réparabilité, la recyclabilité et les processus de fabrication alors que les marques communiquent assez peu sur ces sujets ? Pas de panique : Greenpeace a récemment publié le Guide to Greener Electronics qui comparent plusieurs marques sur ces différents critères.
ACHETER D’OCCASION
Une autre solution est possible. La production d’un nouvel appareil consomme de l’énergie et génère de la pollution, pourquoi ne pas se tourner vers du matériel reconditionné ? En effet, fabriquer un ordinateur consomme 100 fois plus d’énergie que de l’utiliser ensuite pendant un an. Autant prolonger sa durée de vie au maximum du coup plutôt que d’en fabriquer un neuf. Il existe de nombreuses boutiques en ligne qui vendent du matériel reconditionné, comme Solidatech ou Back Market. Vous pouvez également regarder s’il existe une ressourcerie sur votre campus ! Vous ne trouverez pas forcément un ordinateur dernier cri mais si votre usage principal est la bureautique et la navigation sur internet, un ordinateur reconditionné peut tout à fait convenir. En plus cela permettra à votre association de faire des économies car le coût d’achat sera moins élevé.
Vous pouvez ensuite équiper ces ordinateurs de logiciels libres comme LibreOffice qui sont souvent conçus pour continuer à fonctionner correctement sur du matériel ancien.
RECYCLER
Enfin, si votre matériel fonctionne toujours, vous pouvez en faire don à une association comme Emmaüs qui pourra le remettre en état et ensuite le revendre à moindre prix ou l’utiliser dans des actions de lutte contre la fracture numérique.
Et si votre équipement informatique ne fonctionne vraiment plus, ne le jetez surtout pas à la poubelle car il contient souvent des métaux fortement toxiques qui doivent être traités correctement. La plupart des déchetteries récupèrent les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) pour ensuite l’envoyer vers une filière spécialisée.
Réduire sa consommation énergétique
S’il est compliqué d’évaluer l’impact global réel du numérique sur l’environnement, il est toutefois assez simple de réduire sa consommation énergétique personnelle en adoptant des bonnes pratiques au quotidien.
ÉTEINDRE LES APPAREILS ÉLECTRONIQUES INUTILISÉS
Rappelons qu’un appareil en veille continue à consommer de l’énergie. Un ordinateur laissé en veille consomme par exemple entre 50 et 140 W selon le modèle. Pendant vos pauses, mettez votre appareil en veille prolongée .Pensez donc à bien éteindre votre ordinateur en partant de chez vous ou du bureau. Vous pouvez, pour vous faciliter la tâche brancher vos appareils sur une multiprise accessible peut être une solution pour tout éteindre d’un seul coup.
Idem pour la box internet : selon une étude réalisée en 2015, on estimait que la consommation des box en Europe représentait pas moins de 21 TWh, ce qui équivaut à trois centrales nucléaires fonctionnant en continu. Quand on quitte son bureau ou le local de son association, on peut réduire son impact écologique rien qu’en éteignant sa box.
Vous pouvez également débrancher les chargeurs une fois que l’appareil est chargé. Les laisser sur la prise ou la multiprise allumées continue à consommer de l’énergie et réduit par ailleurs la durabilité du chargeur et de la batterie.
N’hésitez pas aussi à diminuer la luminosité de votre écran quand c’est possible : vous économiserez de l’énergie et augmenterez la durée de vie de votre écran.
Bref, en résumé, pensez à éteindre le maximum d’appareils électroniques si vous souhaitez réduire votre empreinte écologique au quotidien.
OPTIMISER SA BOÎTE MAIL
Avant d’arriver dans la boîte mail de votre destinataire, le message envoyé passe par plusieurs data centers (centres de données). À presque chaque étape de la transmission de l’email, un nouvel appareil est sollicité et c’est donc de l’énergie supplémentaire qui est consommée. On estime que, chaque heure, 10 milliards de mails sont envoyés. Cela correspond à 50 gigawatts-heure : c’est l’équivalent de la production électrique de 15 centrales nucléaires pendant une heure, ou de 4000 allers retours Paris-New York en avion.
Pour limiter ces impacts, il est possible de prendre quelques bonnes résolutions simples et efficaces :
- Bien gérer sa boîte mail grâce à des tris réguliers : ne gardez que les mails nécessaires et supprimez les autres (surtout les spams). Pensez aussi à vous désabonner des newsletters inutiles ou obsolètes. Vous pouvez aussi le faire facilement, en fin de chaque newsletter, car depuis la loi sur la RGPD, vous pouvez supprimer vos données personnes à votre guise.
- Bien cibler ses mails en ne les envoyant qu’aux personnes directement concernées. Il en va de même lorsque vous répondez à un mail : utilisez l’option « répondre à tous » seulement si votre réponse importe tou∙te∙s les destinataires. Multiplier par 10 le nombre des destinataires d’un email multiplie par 4 son impact environnemental.
- Envoyer des mails efficaces afin de réduire le temps de lecture à l’écran.
- Évitez les pièces jointes sauf si elles sont nécessaires, car elles demandent plus d’énergie pour leur traitement. Pour les partager, vous pouvez utiliser des liens de téléchargement comme Send Firefox, qui permettent d’ailleurs de partager des fichiers lourds, parfois trop pour les mails. À défaut, optez pour des fichiers optimisés (fichiers compressés, PDF, image basse résolution…).
- Évitez aussi les signatures mails avec des images trop lourdes.
STOCKER SES DONNÉES INTELLIGEMMENT
Pour limiter votre impact environnemental, attaquez-vous au cœur du système : le stockage des données.
Tout d’abord, pour limiter votre impact personnel, utilisez des logiciels de nettoyage de disque pour supprimer les dossiers inutiles et rendre votre ordinateur moins gourmand en énergie, plus performant et durable. Pensez à vider régulièrement votre corbeille ou réglez vos paramètres pour que votre système d’exploitation le fasse automatiquement de façon régulière.
Ensuite, sachez que le stockage des données se fait à la fois dans les équipements personnels (ordinateur, disque dur externe…) et de plus en plus en externe, en particulier sur les « Clouds ». Les Clouds (nuages) sont des unités de stockage (réseaux, serveurs…) auxquelles les internautes se connectent via internet. Il permet le stockage de données en ligne.
Même si le Cloud paraît virtuel, il est en réalité très réel et matériel : pour assurer son fonctionnement, il faut des câbles, des équipements informatiques, des serveurs et des locaux, qui consomment beaucoup d’énergie. C’est pourquoi il vaut mieux privilégier, pour ses documents personnels et non partagés, le stockage local au stockage dans le Cloud : cela évite des allers-retours en ligne entre serveurs, fournisseurs d’accès, data centers etc. Et, même s’il y a parfois moins d’espace de stockage dans l’ordinateur, cela nous force à trier et à nettoyer régulièrement la mémoire de son appareil, ce qui, encore une fois, améliore sa durabilité.
Pour des documents que l’on doit garder à vie, posez-vous la question de l’impression. Comme nous l’avons vu en introduction, il est a priori plus écologique d’imprimer un document à conserver à vie (par exemple un bulletin de salaire) plutôt que de le stocker sur un appareil électronique. Pour limiter l’impact de l’impression, vous pouvez par exemple imprimer en noir&blanc, qualité brouillon, en recto-verso sur du papier recyclé en sachant que vous pourrez toujours le renumériser si besoin.
NAVIGUER SUR INTERNET
L’utilisation d’internet est également fortement énergivore. En effet, toutes les recherches faites et tous les résultats communiqués nécessitent différents traitements informatiques qui consomment de l’énergie. Vous pouvez ainsi limiter certains processus de plusieurs façons.
Tout d’abord, vous pouvez installer un bloqueur de pubs comme uBlock Origin, car chaque pub qui apparaît sur votre écran arrive suite à processus informatique.
Ensuite, en plus de vous faire gagner du temps, vous pouvez réduire votre empreinte environnementale en ajoutant en favoris les sites que lesquels vous vous rendez fréquemment afin d’éviter le processus de recherche du lien et de chargement de celui-ci puisque vous aurez déjà le lien en favori.
Choisir ses services numériques
Comme on ne peut pas se passer complètement de services en ligne (partage de fichiers, discussion instantanée, etc.) pour les activités de son association, pourquoi ne pas essayer de choisir un hébergeur plus écologique ?
Il n’est pas toujours facile d’obtenir des informations sur l’impact des services qu’on utilise mais certains hébergeurs de services communiquent sur leur politique écologique.
Vous pouvez par exemple regarder si les services que vous utilisez ont publié un bilan écologique afin de savoir s’ils tentent de réduire leur consommation d’énergie et leur pollution. Les hébergeurs ont bien compris que consommer moins était un avantage pour eux et certains comme Infomaniak publient une charte environnementale détaillant leurs engagements.
Il existe également le rapport Votre Cloud est-il net ? publié par Greenpeace qui note les principaux hébergeurs de données en fonction de leur politique écologique.
L’emplacement géographique de vos données a également son importance. Si vous êtes en France, utiliser un service hébergé sur un serveur aux États-Unis, chaque texte, image ou vidéo transférée devra traverser plusieurs dizaines milliers de kilomètres pour vous atteindre. Il faudra donc alimenter en électricité tous les équipements intermédiaires présents sur le trajet.
Il peut donc être intéressant de faire héberger les mails, les fichiers ou encore le site web de votre association par un hébergeur près de chez vous. Pour la France, on peut par exemple citer le moteur de recherche Qwant.
Il existe notamment le collectif CHATONS qui regroupe des hébergeurs de services en ligne un peu partout en France.
Conclusion
Avec quelques astuces et bonnes pratiques, on peut donc réduire l’empreinte écologique numérique de son association. L’important, c’est de bien avoir conscience et connaissance de l’impact des outils que l’on utilise, et de faire de son mieux pour le minimiser.
Pour aller plus loin, vous pouvez organiser des actions dans votre association, comme des collectes d’anciens objets électroniques (smartphones, ordinateurs…) pour les envoyer dans des ressourceries, par exemple. Pensez aussi à former les nouveaux et nouvelles arrivant∙e∙s de votre association (salarié∙e∙s, volontaires, bénévoles) aux bonnes pratiques du numérique. Pourquoi ne pas imprimer cette liste de bonnes pratiques et l’afficher dans votre local (si elle reste affichée pour longtemps, c’est plus écologique que de l’envoyer par mail :).)